lundi 29 mai 2017

Mafia rouge



Une pieuvre rouge sur la Provence

En avant- première d’un thriller provençal, à paraitre.

Rouge Mafia sur la Provence

Mison : petit village de haute Provence où ne vivent plus que quelques vieillards…

Le cadavre de l’artiste peintre Odette git dans l’atelier.
Sa fille Romane, refuse de croire à une mort naturelle et recherche les causes du décès de sa mère  et l’identité d’un père qu’elle n’a pas connu.
Les deux ancêtres du hameau lui apportent leur aide. Leur mémoire chemine dans le passé pour y pêcher ses mystères et trouver la clef de l'énigme.


Au cours de leur enquête, les vieux Provençaux croisent le chemin de deux Russes, découvrent le complot tramé par le KGB et mettent en échec les intrigues de la Mafia russe
 


Lire quelques extraits ci-dessous





Le vieux cimetière pleurait la solitude d’obsèques discrètes. Pas de curé, pas d’amis. La poussière piquait les yeux de la jeune femme. Elle prit son mouchoir, essuya les larmes qui roulaient sur ses joues et redressa la tête. Derrière la haie de cyprès, elle aperçut une silhouette furtive qui observait la cérémonie. L’homme s’était posté près de la grille. Dans l’humidité de ce matin morose, il avait attendu que le corbillard franchisse le portail d’une centaine de mètres, puis il s’était avancé. Péniblement. Il avait grimacé quand le corbillard l’avait dépassé, avait esquissé un geste brusque et s’était repoussé à l’abri dans le contre-jour verdâtre d’un tronc d’arbre. Des spasmes agitaient ses jambes. Il porta la main à sa poitrine en haletant. L’ombre mouvante provoquée par les mouvements de l’inconnu alerta Romane. Elle leva les yeux, intriguée, aperçut la présence discrète de l’individu qui tendait de se fondre dans la grisaille des tombes. L’homme claudiquait. Elle s’interrogea : « Dans ce désert que faisait cet individu ? ». Puis, reprise par sa peine, elle oublia la question.
Le cercueil descendait lentement dans la fosse avec un balancement doux, précautionneux, comme si les croque-morts allégeaient leur charge pour ne pas blesser celle qui dormait. La jeune femme jeta dans la fosse un bouquet de fleurs champêtres. Le son de la poignée de terre s’éteignit sur le bois du cercueil, ensevelissant le bouquet. Voilà c’était fini…
Elle serra les quelques mains tendues pour condoléances, de ces mains de paysans qui ne savaient pas dire leur peine, et disposa, aux côtés de la dalle prête à être refermée, les fleurs cueillies dans les jardins du hameau. Des dahlias rouges d’amour et d’été.
L’homme ne s’était pas approché pendant toute la cérémonie. Il inclina la tête, ses mains se joignirent comme pour une dernière prière. Il semblait attendre. Le convoi quitta le cimetière. L’homme ne bougea toujours pas. Quand les voitures eurent disparu, il s’avança lentement en direction de la tombe. Romane, tourna la tête vers la vitre arrière du fourgon, se pencha et le suivit des yeux un instant. Puis elle détourna son regard. Dans le véhicule, Faustine chevrotait :
— Nous devons nous hâter. Nous avons encore beaucoup à faire avant ton départ.
Au loin la silhouette de l’homme s’effaçait dans l’ombre des cyprès.

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L’hiver cinglait leurs corps amaigris et le vent ne parvenait pas toujours à les faire plier. Leurs yeux enfoncés dans leurs orbites, cernées de mauve, regardaient au loin, dépassaient les champs de neige des plaines de Pologne. Ils tenaient bon, soutenus par la haine, endurcis par la rage de survivre. Mieux que d’autres. Ils descendaient de ces paysans qui avaient disputé leur terre aux éboulis, enlevé les cailloux, monté des clapiers pour protéger leurs champs et leurs bêtes. Ils survivaient derrière les barbelés car ils étaient deux... Ils n’étaient pas encore ravalés au rang de sous-hommes, ils demeuraient humains. Dans le camp, ils conservaient leurs habitudes, et le souvenir de tout ce qui pouvait les raccrocher à leur passé. Un rituel. Celui des soirées à Mison. Raoul vantait l’héroïsme des Bolcheviks, Pierre la bravoure et la détermination des Américains. Les nouvelles circulaient parmi les prisonniers : L’armée rouge était en Pologne et les Américaine avaient débarqué :
— Les GI seront là dans quelques semaines... Hitler est foutu... ! claironnait Pierre.
Et Raoul reprenait :
— Tes Amerlocks, tu peux te les mettre au cul... Les Russes vont ouvrir les barrières en moins de deux.
Les soirées se poursuivaient  dans l’échange d’insultes. Un cérémonial. Le sang montait à leur tête et les réchauffait. Ils avaient des convictions, ils étaient libres de penser. On ne pouvait leur enlever leur libre-arbitre. Quand la rage avait revigoré leur corps, ils se réconciliaient, comme au bon vieux temps, de nouveau réunis par l’amitié, leurs forces décuplées. Ils étaient deux, deux à faire face, deux à résister à la barbarie. Ils s’en sortiraient. Ils retourneraient au pays...
Ils n’étaient jamais revenus...
***
Ils pensaient enfin pouvoir célébrer Noël…
Le camp était libéré. L’armée rouge avait crevé les murs de barbelés. Vive le camarade Staline...

Ils marchaient… Le long des chemins se traînaient des files de squelettes, des familles slaves déplacées des anciens territoires de l’empire occupés pendant la guerre par les Allemands, des prisonniers de l’armée rouge, au milieu quelques Français, surtout des Alsaciens. Ils étaient les seuls Français du midi.
Ils marchaient… L’inquiétude dans le troupeau grandissait. Ils marchaient vers où ? Vers quoi? Pas de réponse. Le mutisme. La peur rodait, on la cachait et les bouches se fermaient.
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La Mercédès noire coupa par une allée forestière qui traversait la forêt de sapins. Elle longea la haie qui dissimulait la villa, une maison blanche, cossue à l’architecture européenne, traversa le parc en faisant gicler la boue du chemin et stoppa au bord de la pelouse. Une autre voiture, une Volga noire à la plaque d’immatriculation officielle, aux vitres teintées, était garée devant le perron de la datcha aux côtés d’une petite voiture de sport. Sergueï n’eut pas à attendre. Un garde en uniforme se précipita, la porte de la villa s’ouvrit immédiatement au bruit du moteur. Il neigeait, en gros flocons lourds et humides. Dans la cheminée de la datcha, un feu ronflait. Le style de la maison n’avait rien de celui de l’architecture  traditionnelle. L’habitation ressemblait à une luxueuse villa occidentale. Elle comprenait plusieurs salles au rez-de-chaussée et de nombreuses chambres. Les murs étaient décorés de mauvais portraits, des portraits  académiques sensés représenter les membres de la famille de l’occupante.
Le visiteur était un homme chétif, à l’apparence souffreteuse. Il était vêtu de blanc malgré la saison, méticuleusement rasé et coiffé. Ses lunettes cerclées ajoutaient à son visage une impression d’insensibilité glaciale. Sa physionomie démentait la première impression que son allure discrète pouvait donner. Il salua l’habitante de la demeure d’un petit geste de la main distrait, sans un mot. Elle se trouvait dans la salle de projection, couchée sur un tapis du Caucase épais, en train de visionner un film américain. Ania se leva pour aller à sa rencontre, et s’allongea à demi sur un canapé de cuir.- un canapé design, qui au vu de son look venait tout droit d’une boutique parisienne, un meuble de luxe parmi d’autres, hors de prix. S’asseoir sur un meuble valant l’équivalent de 5 mois de salaire d’un ouvrier, ne la dérangeait nullement. Elle avait pris goût à la vie facile. Elle alluma une longue cigarette et la porta à la bouche d’un geste presque érotique. Elle avait croisé haut ses jambes fines. Sergueï la contempla en connaisseur, apprécia  le galbe et le délié de ses membres. Il hocha la tête, il avait bien choisi. La maturité avait ajouté au corps de la femme une plénitude qui ne manquait pas de charme, une rondeur tendre, émouvante qui gommait le contour encore acéré de ses traits. Elle consacrait beaucoup de temps à conserver sa beauté. Elle avait utilisé depuis son plus jeune âge les remèdes ancestraux, les boissons miracles; les onguents secrets, puis était passée aux cosmétiques de luxe, au maquillage sophistiqué, aux vêtements de luxe. Sa peau était parfaite. Elle s’étira, le mouvement souple fit luire les brillants qu’elle portait aux oreilles. Elle aimait les bijoux et s’en parait dans l’intimité. Elle sourit à l’homme. Elle savait qu’il aimait la regarder, mais sans désir d’appropriation sexuelle. Il avait eu toutes les femmes qu’il voulait, avec l’âge, n’éprouvait plus aucun plaisir. Son corps était froid, mais il aimait posséder. Il jouissait de son pouvoir de domination. Et Ania était sa chose. Il était fier de sa réalisation. Il l’avait formée, modelée. Peu à peu la petite étudiante s’était transformée en cette poupée dangereuse, habile à jouer de son charme, entièrement sous sa coupe, accroc à cette vie facile, accroc au luxe dont il lui avait distillé le venin. À la fois créature angélique et démone d’acier. Maintenant l’édifice craquait de toute part et si elle voulait conserver ses privilèges, elle devrait lui obéir. Elle ne pouvait se passer du bien-être et des avantages que le parti lui avait octroyés. Il connaissait son ambition, sa soif de promotion, il lui apportait les clés d’une promotion sociale et politique. En retour, il attendait une fidélité sans faille et une disponibilité permanente. Elle était exactement la mouche qu’il fallait pour ses projets.
La conversation s’engagea sur un ton mondain. La vapeur du samovar dispensait une senteur d’ambre. Une aide frappa à la porte discrètement et déposa sur un plateau, un panier de victuailles de choix, digne des meilleurs restaurants parisiens. L’homme ignora le thé. Il se servit un cognac.
***
Les dossiers qu’il avait confiés à Ania se trouvaient sur la table basse. Ils contenaient le rapport de Tamara lorsqu’il l’avait envoyée en France pour faire une étude sur les possibilités de développer son action à l’Ouest.
Elle tendit vers l’homme celui qui se trouvait au-dessus de la pile :
— Des deux cibles, l’une est mariée, l’autre célibataire. J’ai choisi le célibataire.

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Il se sentait de plus en plus faible, des crampes soudaines l’empêchaient de marcher. Ses muscles ne répondaient plus et l’extrémité de ses membres était brûlante. Il ne pouvait plus se lever. Dans sa fièvre il n’était plus seul. Ania jouait les femmes attentives, restait au chevet de son mari. Est-ce le succès de son association ou celui de sa fille qui avait amadoué sa femme et l’avait rapprochée de son époux ? Il protestait en vain, refusait son dévouement. Pas de sa pitié. Il voulait être seul. La souffrance était pour lui. Il ne voulait pas la faire endurer aux autres. En finir. Être délivré et les délivrer du fardeau de ce bois mort qu’était devenu son corps. Il avait réglé ses comptes avec la vie, une vie d’échec. Il sombrait. Puis, à intervalle régulier, il se sentait tiré du sommeil. Il percevait alors une odeur, une odeur de femme à son chevet, une odeur de mains qui le forçaient à boire. « Bois, disait la voix. C’est du vin, du bon vin, du saint Amour » et la voix reprenait : «  Tu dois reprendre des forces. Tu dois te restaurer ». La voix d’Ania perçait ses tympans et celle d’Iéléna vrillait ses tempes. Il sentait dans sa bouche comme un tampon de ouate qu’il ne pouvait avaler, essayait de déglutir, en vain. La voix d’Iéléna reprenait : « un gâteau comme tu les aimes » Il en avalait un morceau, le goût lui rappelait celui des galettes des rois à la frangipane, celui des petites amandes du jardin. La salive s’écoulait de sa bouche à ses lèvres, forte, écumeuse, amère. Dans ses moments de lucidité, il se disait que sa femme n’avait pas tort de récriminer. C’était lui qui, aux deux étrangères, avait promis à l’Ouest, dans le pays de la liberté, une vie meilleure, les avait assurées d’un futur radieux, de stabilité, d’une vie sans souci. Il était temps de se repentir, de penser à l’avenir de celle qui deviendrait sa fille. Il allait adopter Iéléna. Se dévouer. Encore. Une dernière fois. Tout était net. Il entrevoyait le vide du dernier tunnel. Il était prêt. Il rédigea son testament.
Il ne possédait plus rien, tous ses biens maintenant appartenaient à sa femme et sa fille : la villa de Marseille, la maison familiale de Mison et même les bijoux de sa mère. Il ne lui restait que son nom. Il était nu et purifié. La renaissance d’un nouveau baptême.
Il délirait et, dans sa fièvre, les fantômes du passé, lui tenaient compagnie. Son roman d’amour avait été beau. Il pleurait ses amours défunts et pleurait aussi la disparition de son père. Tout se brouillait dans sa tête. Le noir. Il était coupable…

Il était seul. Abandonné. Elles l’avaient laissé à sa souffrance. Le silence l’entourait. Il entendait les battements des veines dans ses tympans, sentait douloureusement la pression du sang. Un bourdonnement, le grondement de la machine d’un train à vapeur. Au fond de sa rétine s’imprimait un voile rouge de sang, le rouge d’un drapeau. Une réminiscence…Dans la plaine, roulait un train, un train à vapeur chevauché par des combattants. Derrière la machine galopaient des cavaliers, des cosaques victorieux. Il trônait, assis sur un rocher, la petite Odette était à ses côtés et lui tenait la main.

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Faustine tapait sur son clavier, la cafetière à ses côtés. Elle passait de site en site, haletante, de plus en plus vite. Ce n’était pas le café qui la tenait éveillée, c’était ce qu’elle découvrait peu à peu. Une navigation enragée. Quand le coq chanta, elle s’exclama :
— J’ai trouvé !
Elle se précipita sur le combiné. Félix, brumeux, somnolait. Elle le secoua d’un tonitruant :
— Je tiens le chaînon manquant !!!
Elle avait suivi la trace d’Ania, avait refait son parcours, détricoté ses mensonges, débrouillé les fourberies d’Iéléna, mis à jour leurs impostures. Tout était faux, trafiqué, fabriqué dans leur vie. Leur savoir, leurs diplômes, leur passé. Toute une vie montée de toutes pièces pour l’argent, le trafic et le vol.
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