mercredi 10 juillet 2013

Le lys Martagon

                 

LE PARFUM DU CIMETIERE DES INNOCENTS. 

 

 
Si le nez subtil de Grenouille avait détecté le parfum douceâtre du lys Martagon, il se serait détourné du chemin de Grasse. Son odeur languide imprègne ma maison, un suaire vanillé de gerbe mortuaire.
Grenouille aurait fui ce mélange de pourriture de fleurs décomposées qui flottent parfois sur les marais. Une composition savante de sueur misérable et de perruque poudrée  de Versailles, des épices défraichies, flétries, à peine poivrées, à bon marché, transpirées. Des fleurs de cimetière qui refusent de rejoindre un tas d’ordure et gémissent dans les notes serpentines de leur couleurs fanées.
Ils envahissent ma maison de leurs effluves prenants, m’oppressent et m’étouffent de liens d’odeurs de chambres mortuaires de reines pharaonique dont je ne peux me débarrasser et qui collent à ma peau comme une crème viciée de momies qui auraient vaincu le temps.
 

 

                    

 

 
Ils étaient magnifiques, rubanés d’un moiré violacé. J’en avais cueilli tout un bouquet dans mon jardin d’été où ils se propageaient, se plaisant au milieu du vert des prés. Ils narguaient de la somptuosité mystérieuse        de leurs pétales recourbés les marguerites et les orchidées.
 
Désormais, je les laisserai se multiplier sans les toucher. Dans certaines régions le lys martagon est une espèce protégée. Interdit de cueillette. Mais ceux qui y ont goûté ne vont plus s’y risquer. Sa puanteur douce et enivrante le défend. Il sait se faire détester pour survivre. Il se venge quand on l'a coupé.
 

« Mais voici qu’à cause de la chaleur et de la puanteur (qu’elle ne percevait pas comme telles, mais plutôt seulement comme une chose insupportable et enivrante, un champ de lis ou une chambre close où l’on a mis trop de jonquilles…) »

Extrait du roman de Patrick Süskind : «Le Parfum »

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